Pour sa 3e expo annuelle d’art contemporain, le château de Chimay intègre dans ses espaces intérieurs des œuvres d’un artiste belge. En l’occurrence Hans op de Beeck qui transpose en ce lieu le passé imaginaire de notre présent.
Le château recèle de nombreux témoignages du passé, soigneusement conservés par la famille princière qui l’occupe toujours. Parmi eux, un petit théâtre d’environ deux cents places, construit à l’italienne au XIXe siècle et dans lequel se donnent régulièrement des concerts.
Les installations réalisées par Hans op de Beeck (1969, Turnhout) sont de facture hyperréaliste. Elles montrent des personnages et des objets avec une minutie quasi obsessionnelle. Chaque détail est aisément reconnaissable et permet d’identifier à l’instant même un végétal, un meuble, un figurant, des habits, de la nourriture, des objets et accessoires utilitaires… Et, sans conteste, tous les éléments accumulés appartiennent à notre siècle.
Il suffit en effet de voir telle bouteille ou canette de soda, tels mégots de cigarettes, tel aérosol, tel pantalon… L’effet est saisissant. Et en particulier dans « Lounge », ensemble mobilier grandeur nature installé sous une fenêtre factice et dépourvu de présence vivante, hormis un chien couché à même le plancher. Le visiteur se trouve devant l’équivalent de vanités d’autrefois, ces tableaux classiques évoquant l’éphémère de l’existence, et ceci d’autant qu’un crâne posé sur un livre vient en renfort à cette impression.
Vrai faux n’est pas que faux vrai
Reste que toutes ces réalisations sont en plâtre gris, uniformément gris. Comme si elles étaient recouvertes de cendres, comme si on les avait exhumées des ruines de Pompéi, par exemple. Elles prennent dès lors la signification de vestiges. Parmi les pièces des collections du château qui témoignent d’autrefois, voici donc des sculptures qui renvoient notre présent dans un passé plus ou moins proche. Comme si les visiteurs actuels étaient les survivants d’un XXIe siècle déjà lointain.
Étrange sensation d’être de la sorte entre plusieurs époques dans une mise en abyme du temps. C’est d’autant plus étrange que les personnages qui hantent certaines installations sont d’une beauté classique attirante. Ils ont l’air vivants après avoir été saisis en pleine action au moment du cataclysme qui les aurait anéantis.
Cette relation entre le réel et la fiction, entre la réalité et son interprétation esthétique tient souvent à peu de choses et ce peu crée l’illusion. Hans op de Beeck en fait la démonstration par le biais d’une vidéo, « Staging Silence ». On y voit les mains de l’artiste manipuler des objets familiers, comme des bouteilles en plastique, ou des éléments pour maquettes d’architectes, comme des arbustes. Ils se métamorphosent en décors, en paysages… par le simple fait de les déplacer, de les agencer et surtout de modifier l’éclairage qui les rend visibles.
Tout est bon pour susciter le leurre. La magie s’accroit du fait que l’objet banal qui sert de point de départ est reconnaissable : ampoules électriques, plaques de chocolat, boules de Noël, pommes de terre, ouate, roue de vélo… La fluidité de la réalisation alliée à la mise à nu des trucages renforce le pouvoir de ces images sur notre imaginaire. Nous rend, finalement, sensibles aux humbles composants de notre quotidien trop souvent perçu comme ennuyeux, inintéressant, vulgaire même, alors qu’il est susceptible, si nous le souhaitons, d’être vecteur de poésie et de rêve.
Michel Voiturier
« Décors et figurants » au Château de Chimay, 14, rue du Château à Chimay jusqu’au 31 juillet. Infos : +32 60 21 45 31 ou http://www.chateaudechimay.be/?p=3509
légende photo: Hans op de Beeck, « Lounge » (2014) (c) Hans op de Beeck/Château Chimay
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