Edito
Que devient la performance dans le monde de l’art contemporain? C’est la question qui me taraudait cette année. J’en ai eu rapidement la réponse en croisant de temps à autre des survivants de ce genre de pratique que je pensais complètement désertée du terrain de jeu de la Biennale de Venise.
La photo de couverture donne la réponse à mon questionnement. La performance est toujours bien vivante même si elle a fortement tendance à s’institutionnaliser. Emilio Rojas est un artiste performeur mexicain qui opère principalement à l’international. Sa performance consistait à marcher à reculons dans la ville, une expérience rendue possible grâce à son miroir d’obsidienne le guidant comme un rétroviseur dans les ruelles. En tant qu’immigrant latino-américain queer et d’origine indigène, il utilise son corps de manière politique et critique comme un instrument pour se laver des traumatismes anciens liés à la décolonisation. Une poétique de l’espace qu’il met en pratique grâce à l’invitation de l’artiste Cherokee Jeffrey Gibson du pavillon américain. Le monde institutionnel subsidié et bien rémunéré est là pour faire le relais et permettre à ce genre d’action d’avoir lieu.
Aujourd’hui à Venise, il est pratiquement devenu impossible pour un performeur indépendant de pratiquer l’art de la performance sans autorisation spéciale de la Ville sous peine d’être embarqué au poste et soumis à une forte amende. «Contre vents et marées, la performance doit continuer!» m’avouait avec dépit Jonas Stampe, curateur et directeur d’une compagnie de 18 performeurs internationaux qui eux, après deux jours, ont dû abandonner leurs actions par manque d’autorisation officielle. Si ce genre de rapport humain, complètement indépendant, en prise directe avec le réel tend à disparaître, la flamme elle est toujours bien présente.
Ce numéro est en majeure partie consacré à cette manifestation. Ce sont douze pages qui vous permettront à travers commentaires et interviews de vous faire une opinion de ce que fut cette Biennale. Une petite déception pour ma part: il m’a été pratiquement impossible de rencontrer le directeur de la Biennale, Adriano Pedrosa, pour vous livrer une interview sur le vif. Ce genre de pratique existait encore il y a vingt ans, du temps de Harald Szeemann. Aujourd’hui, tout est sous contrôle. Les autorités officielles fuient ou elles ont peur comme Roberto Cicutto, l’ancien directeur qui a nommé Pedrosa et qui m’a clairement fait comprendre qu’il ne pouvait pas parler. Cela ne présage rien de bons pour l’avenir avec l’arrivée de Pietrangelo Buttafuoco, l’homme de confiance de Meloni aux commandes de la Biennale.
Restons dans l’art. La Biennale est intéressante et vaut le déplacement, avec 90% d’artistes inconnus qui surprennent dans le bon sens, un peu moins de conceptuel même si les nouvelles technologies avec l’utilisation de l’I.A. sont aujourd’hui un phénomène incontournable dans le monde de l’art, je pense surtout à l’utilisation qu’en fait Pierre Huyghe avec son exposition Liminal à la Punta della Dogana. Un détour obligé pour ceux qui décident de visiter la Biennale cette année. Pour le reste, ce qui m’a fait énormément plaisir c’est ce petit vent frais que Pedrosa a réussi à faire souffler à Venise avec l’arrivée de tous ces artistes indigènes qui remettent à leur manière la culture populaire à une place qu’elle mérite amplement. A ce stade, les artistes wallons ne sont-ils pas devenus les indigènes de la Fédération Wallonnie Bruxelles? Cela fait quelques années déja qu’on ne les invite plus à participer au Pavillon belge.
L’exemple de Pedrosa pourrait donner des idées et débloquer des portes, on peut l’espérer. Sinon il reste le musée du folklore qui lui fait toujours recette. Je l’ai expérimenté récemment au Mucem avec une magnifique exposition où l’on pouvait voir côte à côte les codes qui régissent le monde de la culture populaire mixé au monde de l’art contemporain avec la collection Lambert.
Sommaire
2 Liege. Arbres au centre
4 LIVRES. Une sélection de Claude Lorent.
5 Chantal Akerman. «Travelling»
Bozar, un texte de Véronique Bergen
6 Jeanpascal Février, Pierre Martens et Alain Sicard expose à la galerie ahah, un texte de Hadrien Courcelles
7 Djos Janssens investit les vitrines du Centre Wallonie-Bruxelles par Jeanpascal Février. La galerie Art : Concept (Paris) présente Jacob Kassay, un texte de Jeanpascal Février
8 Au Centre de Wégimont, Thierry Grootaers expose, un texte d’Eveline Hanse
9 Expo collective au Domaine de Seneffe, un texte de Michel Voiturier.
Danse avec Michèle Noiret, un texte de Philippe Dewolf.
10 Expo au BPS22 . Interview d’Eric Fourez par Lino Polegato.
11 Expo au BPS22 un texte sur Alain Bornain par Barbara Beuken.
12. Carte blanche sentimentale a MH Joiret au CWAC, un texte de Marie Hélène Joiret. un texte de Barbara Beuken.
13 Exposition du MACs, interview d’Ariane Loze par Florent Delval.14 Tenir le fil, casser le fil, expo collective à la galerie Flux, un texte de Nadine Janssens.
14- 17 Un texte de Louis Annecourt sur la 60e Biennale de Venise.
18-19 Cahier central avec une intervention originale de Pierre-Philippe Hofmann
20 Love, letter , un texte de Yoann Van Parys sur l’artiste américain Alex Katz
21 Trois jours à Venise, les commentaires de Colette Dubois sur la 60e Biennale
22 L’opinion de Judith Kazmierczack sur ses rencontres in et off à la 60e Biennale de Venise.
23 Commentaires de Gianni Stefanon et Frédéric de Goldschmidt sur cette Biennale. Reportage photo de Luca Stefanon
24 Paula Cumez à Venise, interview de Sonia Gottardello.
25 Culture populaire ou culture élitiste au Pavillon hollandais, une interview de Yvo Provoost par Lino Polegato
26 Expo André Masson au Centre Pompidou Metz, par Alain Delaunois
28 Expo de Philippe Vandenberg à la galerie Gaillard à Paris, un texte de Jeanpascal Février. Un hommage rendu à Ben Vautier qui vient de nous quitter.
29 Une réflexion de Philippe Delaite sur l’architecture du Corbusier
30/31. Entretien entre Pascalle Viscardy et Lucile Bertrand.
32 Une expo sur la carte postale au Delta Namur, un texte de Luk Lambrecht
33 Un texte d’Alain Delaunois sur l’oeuvre d’Ingel Vaikla
35 Recensement d’une expo du collectif laboratoire d’art et d’urbanisme au Botanique par Clémentine Davin.
Lino Polegato
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