Diversité corporelle sous verre à Sars-Poterie

Détail d'un squelette en verre soufflé © Philippe Beaufils

Le verre, fragile et solide. Le corps humain solide et fragile. Cette association est le thème de l’actuelle expo temporaire du Musverre de Sars-Poteries.

L’accueil se fait à veines, artères, nerfs, vaisseaux déployés par un trio de cœurs solidaires. Entre description anatomique et divagation poétique, l’œuvre imaginée par Simone Fezer tend ses tentacules comme des bras ouverts dans lesquels se jeter. Elle a des allures simultanément végétales et animales, c’est une fusion inspirée par les connotations sémantiques du mot ‘cœur ‘ : organe essentiel du vivant et valeur morale de bonté, charité, amour.

Aux alentours, Marie-France Munier a installé plusieurs réalisations mêlant des techniques n’incluant pas nécessairement le verre. Elles se référent à des cultures d’outre-temps. En effet, ses ‘vases canopes’ sont en rapport avec le culte égyptien d’Osiris. Munis d’une ouverture, ils laissent apercevoir les viscères qu’ils contiennent. Les éléments textiles qui les composent et la variété des coloris en font des objets fascinants qui les apparentent davantage à des bijoux qu’à des vestiges anatomiques abandonnés par des médecins légistes. Quelques mini-sculptures en cire perdue de veine expressionniste ainsi que des dessins illustrant des textes complètent la thématique sans pour autant en revenir vers la verrerie.

Clle-ci se retrouve dans deux vitraux signés Wim Delvoye. Leur contemplation qui, dépend de la lumière ambiante, prend ici analogie avec une plaque radioscopique. Les organes internes nous sont livrés avec parcimonie afin de laisser place à des motifs plus familiers aux lieux de culte, imprégnant l’ensemble d’une atmosphère de dérision une fameuse dose de relativité appliquée autant au spirituel qu’au corporel. Dérision qu’Olivier Juteau insuffle à son crâne fiché sur un axe en lieu et place du globe planétaire tant malmené par le genre humain. Antoine Leperlier a déposé sa tête de mort sur un ensemble étiqueté « Chaos ». Tout un programme !

Deux petites pièces en verre soufflé par Simone Fezer, aux allures de bijoux, nous emmènent intra corpus afin d’évoquer respiration et digestion. Au tour de Manon Fontaine de témoigner, à la manière de Laurence Dervaux, de la circulation sanguine. Un entrelacs de tuyaux en borosillicate véhicule sang factice en simulacre de vivant.

Un squelette transparent isolé, virtuose assemblage de verre soufflé en suspension dans l’espace, sculpture de Philippe Beaufils interroge en posant une question sans réponse : que se passerait-il si aucun lien ne nous reliait  aux autres ? Une tête métallique d’enfant prolonge cette demande en l’associant à une main en pâte de verre poli  dont un doigt tente en vain de susciter un sourire au bambin figé. Raf Van Ransbeeck évoque une balance censée évaluer le poids d’une paire de pieds appartenant à une obésité imaginée. À moins qu’il ne s’agisse de suggérer l’envolée  d’une ballerine à la grâce aérienne. Signée par Luwi, la concrétisation d’une quête d’ « Harmonie » à travers un duo fessier bercé dans l’espace grâce à une ventilation légère.

Avec Greb Hartmann, nous revoici dans une démarche plus traditionnelle de statuaire, celle d’un individu accroupi. L’hyperréalisme de Dean Allison offre une lumineuse gamine imprégnée de ses pensées. La rondeur  débonnaire véhiculée par Giampaolo Amoruso, teintée d’une sorte d’ironie, transparaît à travers une attitude en attente de quelque complicité. Lucy Lyon s’inscrit dans une démarche  finement figurative qui cherche à transmettre une incarnation  de culture. Une culture métaphorisée  par une collection de mains traduisant les  26 lettres de notre alphabet en langage des signes à laquelle rend hommage Michel Paysant .

La suite profite de la luminosité d’une  salle moins intimiste pour  proclamer ce que le corps peut receler de beauté intrinsèque à travers sa charnalité.  Michal Macku emprisonne sous verre la photo d’une notable partie d’une anatomie féminine dont la peau resplendit de manière quasi translucide. Afin d’en souligner l’harmonie, il y tatoue des indications graphiques circulaires comme si représentation et perception géométriques s’accordaient pour convaincre les regards. Jaanusz Walentinowicz enferme un nu recroquevillé dans la rondeur d’un tondo, genre pictural qui a tendance à bannir les angles du modèle qui se retrouve comme dans une bulle. Juliette Leperlier a procédé de même en incluant une photo noir et blanc fragmentée, bouleversée, quasi autopsiée.

Ann Wolff a choisi l’épuration d’une géométrie purement formelle pour évoquer la féminité. Résultat : une pureté sans aspérité, un lisse sensuellement perceptible au-delà des apparences. À l’inverse, l’ébréché de Mari Meszaros métamorphose son « Annonciation » en ange de mauvais augure alors que  Sandra de Clerck  utilise la spirale afin de rendre concrète la notion de « Continuité » en semant un cheminement de seins supposés être ceux de l’allaitement.

Retour vers la figuration avec Floran Lechter qui rassemble quatre déesses grandeur nature, aussi transparentes que le permet un verre totalement transparent. Lien avec un patrimoine mythologique en partie enfoui sous  la mémoire collective. La complexe  « Mnémosyne II » d’Aurelie Abadie et de Samuel Sauques atteste avec beaucoup de subtilité d’un certain fonctionnement de la pensée.

La foule aux bras levés et agités de Michal Mackune parvient pas à franchir l’invisible frontière qui  sépare ceux qui agissent de ceux qui se contentent de regarder.  Kira Vertebra enfin, aligne en ordre dispersé des éléments de notre enveloppe charnelle comme en attente d’être rassemblé dans un seul contenant funéraire.

Michel Voiturier

« À corps » jusqu’au 4 janvier 2026, au Musverre, 76 rue Charles De Gaulle à Sars-Poteries. Infos : 00 059 13 16 16 ou www.musverre.fr

 Compléter : www.fluxnews.be/laurence-dervaux-geographe-du-corps/

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.