il était une fois l’art brut… Fictions des origines de l’art, ce titre aux allures de conte est celui choisi par le Crab (collectif de réflexion autour de l’art brut) pour sa carte blanche à l’art)&(marges musée.
L’exposition présentée ici est le fruit de réflexions sur l’art brut, sur ses fondements et son devenir, sur sa faculté à questionner la pratique artistique en général. Mêlant œuvres provenant de musées ou de collections privées et des réalisations de Messieurs Delmotte, le parcours chromatique nous emmène du rose au bleu, en passant par le noir, le rouge, le vert et le gris.
Six couleurs pour déconstruire les idées reçues et tenter d’appréhender l’art brut – car non il n’est pas cette sorte d’écrin originel qu’il nous plait parfois d’y voir – : le rose pour l’enfance, évoquant cette confusion tenace entre le dessin d’enfant et l’art brut, mais aussi une sorte de genèse fictive; le noir pour les liens qui unissent malgré eux l’art brut et l’art primitif, dénonçant au passage cette appellation ; le rouge pour le génie ou la folie, trop inconditionnellement lié à l’art brut ; le vert pour le sauvage, prétexte à déconstruire l’idée d’un art non civilisé ; le gris pour la notion d’enfermement, comme si celle-ci était forcément une condition de l’art brut ; enfin, le bleu pour nous provoquer, nous faire réfléchir au bien-fondé de ces classifications en tout genre.
L’expression « d’art brut », créée par Jean Dubuffet en 1945, n’a jamais cessé d’alimenter les discussions. Définissant un art de « ceux qui travaille en dehors des circuits classiques », Dubuffet a de ce fait permis à des artistes talentueux d’accéder à une certaine reconnaissance, mais il a également institué une catégorie, lourde de sens, excluant par définition l’art dit « brut » d’un art officiel, ces deux derniers présentant pourtant des points communs qui semblent suffisants pour les « classer » sous la seule dénomination d’Art.
L’art brut est donc un concept et il serait insensé de n’y voir qu’un art des fous, des primitifs, des génies ou des « enfermés » sans y adjoindre la moindre notion de style ou de spécificités. Voici précisément ce que pointent les commissaires de l’exposition, Déborah Couette et Céline Delavaux, en nous donnant à voir les œuvres pour elles-mêmes, sans cartels, cloisonnées de façon provocante dans telle ou telle catégorie en fonction de leur couleur ou du stéréotype auquel elles renvoient… suscitant la réflexion, alimentant le débat.
Pour enfoncer le clou, les œuvres de Messieurs Delmotte ponctuent les salles de leur caractère spécifique et résonnent non moins naturellement avec les œuvres tout aussi singulières de Patrick Chapelière, Sylvain Cosijns, Michel Nedjar, Janko Domsic, Jill Galliéni et bien d’autres. À voir
Sylvie Bacquelaine
Jusqu’au 12 octobre 2014
rue Haute 312-314, 1000 Bruxelles
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