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Benjamin Hollebeke à l’Espace Jeunes Artistes de la Boverie. Du 06/02/2025 10:00 au 30/03/2025 18:00.
Dans la discrète annexe blanche du musée, Benjamin Hollebeke a suspendu ses œuvres si bas qu’elles frôlent presque la poussière.
Un choix lourd de sens qui transfigure la fantaisie gratuite en une posture symbolique.
Car, n’est-ce pas ainsi que rêvent les âmes inquiètes? Balotant leurs regards entre le pavé et l’Infini…
Les dessins exposés, aussi adoptent parfois cette perspective oblique, indécise dans la chute ou l’élévation. Dès lors, sous l’apparente légèreté des traits se tapit une gravité matérielle, une pesanteur que l’œil devine mais que l’esprit absorbe tout entier.
Porté par la vague nébuleuse de l’abstraction, celle où se dissolvent les contours d’un réel désormais difficile à tenir, Benjamin Hollebeke use du ressac de celle-ci comme lavis au sein d’un dessin contemporain chargé de spleen et de recueillement.
Une nostalgie tenace s’insinue dans les lignes et les camaïeux de ses visions graphiques: celle d’un réel érodé, rongé par une douce amertume qui parvient, malgré tout, à garder une retenue indispensable tout en demeurant grave.
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C’est dans un cube de plexiglas – sorte de vitrine qui, avec son austérité conceptuelle, élève au rang de fétiches des fragments hasardeux glanés chez lui et dans la nature – que se joue la part spéculative de la mise en scène. Vieux polaroïd, feuilles maculées d’encre, pierres brisées… autant d’offrandes involontaires recueillies au fil des errances de l’artiste. Au sein de cette bulle rationnelle, chaque objet devient un écho d’absolu, une installation de souvenirs dans un emplacement où l’anodin se mue en Sacré par la seule force du regard.
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Méditatif absorbé et pudique, Benjamin Hollebeke s’échine depuis toujours à creuser méticuleusement un sillon où les catégories se frôlent et se répondent. Fort de jouer avec les limites de l’abstrait et du figuratif, l’artiste induit sans même le vouloir que ces expressions faussement antagonistes sont, au final, issues de la même source. Qu’elles aspirent toutes deux à distinguer et à faire jonction dans le même espace.
Et c’est justement par cette exploration des espaces intermédiaires que Benjamin parvient à réveler dans ses dessins une vacuité vibrante, un abîme nécessaire entre les êtres et les choses. Il fait exister cette zone de silence, d’abandon et aussi de communion fragile où le vide devient matière.
C’est alors empreint d’une mélancolie assumée qu’il tisse doucement ce lien ténu entre deux présences qui se rencontrent sans se saisir tout à fait.
Ainsi, comme une évidence, dans l’oeuvre de Benjamin Hollebeke tout devient paysage. Même les individus, irrémédiablement fondus dans la vastitude d’un Décor qu’ils ont arrêté de respecter.
Charles Rosen s’exprimait sur le Romantisme en ces termes: il est palpable dans une oeuvre lorsqu’elle « donne un statut épique, une monumentalité véritable à l’expression lyrique de la nature, sans rien perdre de l’apparente simplicité de l’expression personnelle. »*
À l’image d’Emil Cioran, l’artiste infuse ce lyrisme romantique dans un océan de résignation.
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En représentant une tour solitaire des parcs nationaux américains, Hollebeke semble se poser en vigie de lui-même. Il parvient à faire exister dans les têtes un double spectacle qui confronte la beauté à la violence latente de l’humanité. Une interpellation directe d’âmes à la fois éblouies par la grandeur naturelle et anéanties par le spectacle de la destruction lente de cette même Nature.
Ses ciels encadrés d’arbres, gris, muets, d’une fixité tragique, deviennent en fin de compte l’écrin d’une mystique oubliée. Celle d’une fresque de sentiments qui veulent encore vivre, figés dans la contemplation désolée de l’irréversible.
Car Benjamin Hollebeke ne parle que de cela, au fond. De joie innée et de la perte de celle-ci.
D’un amour qui ne peut être qu’impossible.
Jean-Marc Reichart.
* La génération romantique Charles Rosen. Gallimard. 2002.
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