S’il y a bien aujourd’hui un peintre baroque, c’est assurément Gérard Garouste. Il aborde la peinture en n’étant rien de ce que sont les autres dans la mesure où se retrouvent en lui des tendances qui, sans s’affirmer au point de dominer, s’entremêlent.
Plusieurs déformations formelles appartiennent à l’art brut autant qu’à l’expressionnisme. Des métamorphoses ou des juxtapositions rappellent les surréalistes figuratifs ou des dessins moyenâgeux de créatures imaginaires et qui existent chez Bosch ou Bruegel. L’amour des couleurs rappelle les fauves. La vivacité des traits ou des coups de pinceaux n’est pas loin de ceux des abstraits lyriques voire de certains matiéristes.
Garouste puise à travers l’histoire de l’art. Mais à la base, il y a la littérature car il se fournit partout où il y a des mythes. Il se nourrit des histoires qui composent les épopées, les mythologies, les religions. Garouste est, si l’on veut, un homme de citations qui font figures d’emprunts. Ce sont greffons sans rejets. Son humour est ironique dans la mesure où il s’agit bien d’une anagramme d’onirique.
Pour lui, l’originalité n’est pas la provocation ; elle est le retour aux origines, à ce qui a façonné l’imaginaire collectif depuis toujours. D’où le choix de ses thématiques auprès de Platon, Virgile, Homère, Rabelais, Cervantès, Dante, Goethe, la Bible, le Talmud… Les symboles s’accumulent qui, n’étant pas nécessairement faciles à décoder, n’ont pas besoin d’être tous visibles ou compréhensibles.
Ainsi sont-ils dissimulés dans la gigantesque installation consacrée au Pantagruel du sieur Rabelais. Puisque seul l’extérieur est soumis au regard, de petites ouvertures sont à la disposition du visiteur dont l’œil a la possibilité de se focaliser sur un détail tout en lui laissant la frustration de ne pas profiter de l’ensemble. Quant au labyrinthe installé dans la chapelle St-Georges, rien d’ensemble n’est perceptible. Pour tout voir, il faut parcourir la totalité du dédale sans néanmoins être assuré d’avoir déambulé dans tous les recoins possibles.
Garouste met en interconnexion le monde réel avec le virtuel de l’imaginaire. Démarche qui apparaît davantage dans ses sculptures puisque les trois dimensions des œuvres jouent alors dans l’espace. Et si les travaux de l’artiste ne sont pas anecdotiques, elles prennent aisément l’allure de fables ésotériques, de situations propres à un questionnement à propos de ce que l’homme trouve comme place dans l’existence.
Il convient donc de cheminer à travers sa production de la même manière que lui-même chemine de séries en séries, de variations en variations, d’interrogation en interrogation. Et même s’il n’y a pas de réponse, il y a des images à regarder, des ferments pour l’imagination. Des envies aussi, peut-être de se replonger dans des textes oubliés, emprisonnés en notre mémoire ou de les découvrir parce que approchés seulement par ouï-dire.
Michel Voiturier
Au BAM, 8 rue Neuve et à la salle St-Georges, Grand-Place à Mons jusqu’au 29 janvier 2017.Infos : +32(0) 40 53 30 ou www.bam.mons.be ou + 32(0)65 40 52 06 ou www.sallesaintgeorges.mons.be
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